Différenciation entre les médecins en France : l'histoire de Youssef, médecin algérien de 31 ans

Voici l'histoire de Youssef, un médecin algérien vivant en France depuis 4 ans et essayant tant bien que mal de se faire une place dans une France partagée entre populisme, débat sur l'immigration, manque de médecin et les complaintes de centaines de médecins étrangers sous-payés.

Le Président Emmanuel Macron affirme vouloir sérieusement régulariser la situation des médecins praticiens étrangers en France, tenants souvent à bout de bras les services de soins français.

En effet, il s'avère que le système de santé français tient presque uniquement grâce aux médecins étrangers. Et d'après le Syndicat national des praticiens à diplôme hors Union européenne (le SNPADHUE), il y a nombre de « médecins étrangers » exerçant en France et qui ne sont pas régularisés. C'est cette précarité administrative, comme le dit Macron, qui fait que ces derniers, sur lesquels repose tout le système de santé français, se retrouvent aussi sous-payés. Or, la charge de travail est généralement bien plus pesante sur eux par rapports à leurs homologues français.

Ceci est le cas de Youssef, jeune médecin algérien de 31 ans résidant en France. Ayant obtenu son diplôme en Algérie, il quitta le pays il y a de cela 4 ans. Étant membre de l’IPADEC (un syndicat réunissant les médecins à diplôme étranger), il a choisi de raconter son histoire au média français 20 Minutes.

L'histoire de Youssef, celle de tout médecin immigré en France

Youssef se retrouve souvent dans des situations où il doit remplacer son chef de service. Malgré cela, il gagne 2 fois, voire 3 fois moins que ses collègues français, alors que ses journées sont plus intensément chargées. La raison est simple ; alors même que Youssef a passé 7 ans de sa vie en médecine générale et 2 ans de spécialisation, la règle est la même pour tout le monde : un médecin ayant obtenu leur diplôme en dehors de la France n'est pas considéré comme médecin accompli, mais seulement en tant que « praticien attaché associé ».

Bien qu'ils n'aient pas droit au titre, ces médecins « étrangers » se farcissent toutes les tâches qui reviennent à un vrai médecin. Youssef raconte que parmi les 7 médecins de son service actuel, 5 sont étrangers et les 2 autres médecins français ne travaillent que deux demi-journées par semaine. « On sait qu’on est compétent, mais on doit toujours le prouver en faisant une tonne d’efforts. Mon dernier jour de repos remonte au 25 décembre. Si on n’est pas indispensable, pourquoi on travaillerait autant ? » fait-il remarquer.

Selon lui, le renouvellement urge, au risque de fermer le service avec toute la charge d'au moins une cinquantaine de patients qu'ils reçoivent chaque jour. « Avec notre présence, on n’arrive déjà pas à remédier au manque de médecins dans la région. Mon planning de consultation est complet jusqu’au moins d’août », affirme-t-il.

Titre de séjour expiré et EVC, des angoisses et complications en plus sur les épaules de Youssef

Le jeune médecin se déplace avec son attestation de demande de renouvellement de titre de séjour constamment sur lui. Son ancien titre étant arrivé à expiration le 25 décembre, son dossier de renouvellement reste encore en suspens auprès de sa préfecture, et ce, depuis le 8 novembre 2023.

De plus, la situation pour les médecins étrangers empire de plus en plus, avec les nouvelles EVC (épreuves de vérification des connaissances) instaurées par la loi et qui, seulement après les avoir validées, ouvrent droit à continuer de pratiquer. Ce concours est réservé aux praticiens ayant obtenu leur diplôme dans un État non-membre de l’UE, avec des quotas en fonction de chaque spécialité, tout en restant très sélectif. Youssef a bien évidemment dû y passer, mais ne l'a pas obtenu. Et pour cause évidente : « Je viens de travailler 25 jours sans interruption. Comment voulez-vous préparer un concours quand on travaille 60 heures par semaine ? C’est impossible », se plaint-il.

Youssef garde pourtant espoir. Il dira que « les chefs de service sont solidaires et se battent avec nous », et qu'une manifestation est justement prévue pour ce jeudi à 14 heures devant le ministère de la Santé, à Paris. Désormais, ce que lui et les autres médecins dans son cas attendent n'est autre qu'une aide de l'État. « Mardi soir, Emmanuel Macron a évoqué la précarité dans laquelle on se trouvait, et il a reconnu qu’il y avait un dysfonctionnement. Notre sort et celui de milliers de patients sont entre les mains du gouvernement », affirme-t-il, confiant.

Aussi, si Youssef se permet autant de patiences dans une telle situation, c'est surtout qu'il n'est pas seul : sa femme, une Française, ainsi que son futur enfant le retiennent. « Si ça ne tenait qu’à moi, je prendrais mes bagages et je partirais en Suisse... Le salaire est trois fois plus élevé et j’aurais l’assurance d’être médecin suisse dans trois ans ».

Pour rappel, lors de la pandémie de covid-19, plusieurs médecins étrangers ont été recrutés dans l'urgence de la précipitation. Aujourd'hui, avec leurs contrats de travail expirés, ils sont tout aussi nombreux à se retrouver dans l'irrégularité vis-à-vis de la loi française, et risquent fortement des obligations de quitter le territoire français (OQTF).

Certains en ont même déjà fait les frais, comme le fait remarquer Halim Bensaïdi, vice-président de l'association Ipadecc et diabétologue originaire d'Algérie, qui travaille depuis 2019 en France : « Mon contrat a expiré hier et je n’ai toujours pas de réponse pour [mon] renouvellement ! Le président de la République promet de nous régulariser, sauf qu’officiellement, on n’a pas de texte qui nous permet de continuer l’exercice de notre noble métier, qu’on exerce dignement depuis des années ».

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