Mort énigmatique de deux petites-filles de Mouloud Feraoun en Suisse

Cinq membres de la famille David-Feraoun, des Français installés en Suisse depuis 2014, se sont jetés du 7e étage de leur résidence, jeudi dernier, à Montreux (Suisse). L’hypothèse d’un probable suicide collectif ne fait guère de doute et la question d’une dérive survivaliste se pose. Reste à en comprendre la raison...

Quatre membres d’une même famille française sont morts en chutant de leur balcon, au 7e étage d’un immeuble, selon des médias suisses et français. L’origine et les circonstances de cette tragédie restent floues. Selon la police, deux gendarmes s’étaient rendus sur place, vers 6h15, pour un problème de scolarisation de l’adolescent qui faisait l’école à domicile.

Selon Jean Christophe Sauterel, porte-parole de la police du canton de Vaud, cette famille résidait en Suisse depuis plusieurs années, n’était pas du tout connue ni de la justice ni des services de police en dehors de cette procédure en lien avec la scolarisation

«Après s’être annoncés, les gendarmes n’ont alors plus entendu de bruit dans l’appartement. Ne pouvant entrer en contact avec les éventuels occupants, ils ont quitté les lieux. Dans l’intervalle, un témoin a appelé la police pour signaler que des personnes étaient tombées depuis le balcon d’un appartement», a indiqué la police cantonale vaudoise dans un communiqué.

Non-respect des obligations liées à la scolarisation à domicile de leur enfant

Refusant d’ouvrir leur porte aux gendarmes vaudois venus pour non-respect des obligations liées à la scolarisation à domicile de leur enfant, les cinq membres de la famille David-Feraoun, se sont jetés se sont jetés du 7e étage de leur résidence.

Le père, Eric David, 40 ans, son épouse, Nasrine Feraoun, 41 ans, leur petite fille de 8 ans, ainsi que la sœur jumelle de l'épouse, Narjisse Feraoun, sont tous morts sur le coup après une chute de 25 mètres.

Seul Allan, 15 ans, détient la clé de la mystérieuse tragédie familiale survenue jeudi à l’aube à Montreux, petite ville suisse de carte postale dans le canton de Vaud, au bord du lac Léman. Qualifié de « très grave », l’état de santé de l'adolescent, l’unique survivant s’est « stabilisé », selon un porte-parole de la police, précisant que la jeune victime ne se trouve pas dans le coma. Et c’est bien l’unique grain d’espoir de ce drame qui bouleverse la Suisse.​

Un probable suicide collectif !

Le décès des membres de cette famille, «décrits comme ‘‘discrets’’, ‘‘isolés’’ voire ‘‘franchement bizarres’’, selon les voisins cités par les journaux suisses, est une énigme. Si l’hypothèse d’un probable suicide collectif ne fait guère de doute, reste à en comprendre la raison», écrit le Journal du Dimanche.

Selon Jean Christophe Sauterel, porte-parole de la police du canton de Vaud, aucune piste n’est à ce jour privilégiée pour expliquer le geste désespéré de cette famille qui n’avait jamais attiré ­l’attention de la police. « Les téléphones portables sont en cours d’analyse, précise-t-il, et nous avons commencé à auditionner les membres de la famille qui se sont déplacés en Suisse. Le procureur devrait s’exprimer en début de semaine. »

Deux petites-filles de l’écrivain algérien Mouloud Feraoun

L'épouse d'Éric David et sa sœur ont, elles aussi, suivi de longues études, Normale sup pour l’une, avant de se spécialiser dans le domaine médical. La mère, Nasrine Feraoun, dentiste, avait exercé dans le nord-ouest de Paris. Sa sœur jumelle, Narjisse Feraoun, ophtalmologue, formée à Paris et à Nancy, est ancienne cheffe de clinique universitaire aux Hôpitaux universitaires de Genève.

Élevées dans ce milieu érudit et aisé, les jumelles ont grandi entre un père informaticien de haut vol et une mère au foyer, dans le 5e arrondissement de Paris, au sein d’une fratrie de cinq enfants, tous brillants, scolarisés au lycée Henri-IV.

Les deux femmes sont issues d’une célèbre famille kabyle d’Algérie : elles sont les petites-filles de l’écrivain ­Mouloud Feraoun (1913-1962), un instituteur proche d’Albert Camus, assassiné voilà soixante ans par l’Organisation de l’armée secrète (OAS).

Deux sœurs jumelles médecins

Selon la Tribune de Genève, les deux petites-filles de Mouloud Feraoun étaient toutes deux médecins. Nasrine Feraoun ouvre un cabinet dentaire en 2008 à Vernon (Eure) puis s’installe en Suisse en 2014 avec son époux.

Elle travaille alors environ un an dans un cabinet d’orthodontie à Bulle, dans le canton de Fribourg. Ce parcours modèle s’interrompt en décembre 2014 quand le Service de la santé publique fribourgeois lui retire son autorisation d’exercer pour « raisons administratives ».

Ophtalmologue réputée, sa sœur Narjisse Feraoun continuait, elle, de travailler, ces derniers mois à temps partiel, à la Clinique de l’œil de Sion, dans le Valais. Séparée depuis sept ans de son mari, un Français lui aussi surdiplômé installé à Lausanne, spécialiste de sécurité des systèmes informatiques, Narjisse Feraoun vivait depuis avec sa sœur et le mari de celle-ci, selon les médias suisses.

«Dérive sectaire ou survivaliste ?»

Pour sa part, le journal suisse Le Temps a souligné que trois des cinq pièces étaient entièrement remplies de nourriture et de médicaments, la famille vivant dans les deux pièces restantes. «Dérive sectaire ou survivaliste ?», s’interroge l’hebdomadaire français.

Une enquête a été ouverte après ce drame familial, mais pour l’instant, la présence d’une autre personne dans l’appartement au moment des faits a pu être exclue. «En l’état, les enquêteurs n’excluent aucune piste. On sait qu’on a affaire à une famille qui était plutôt renfermée, qui avait peu de contacts avec l’extérieur mais on ne peut pas en dire plus», a indiqué Jean Christophe Sauterel, porte-parole de la police du canton de Vaud.

Retour en haut