Automobile : le marché algérien s'enfonce dans une crise endémique

L’Algérie constitue l’un des principaux marchés automobiles du continent africain. Mais depuis trois ans, se procurer une voiture relève des sept péchés capitaux pour les Algériens. Une situation préoccupante pour les opérateurs économiques du secteur et les partenaires étrangers de l'Algérie.

En attendant de mettre sur pied une vraie industrie automobile en Algérie, l'importation est gelée et les concessionnaires sont au pied de mur. La situation devient inquiétante : le pays ne produit pas et ne laisse plus entrer de voitures sur son sol !

Rien qu'à voir l'état dans lequel se retrouvent les locaux de la plupart des concessionnaires renseigne à lui seul de la situation du marché de l'automobile en Algérie. Des hangars désaffectés, baies vitrées opaques de poussière, les showrooms vides, des centaines d'espaces d'exposition et d'entretien quasiment à l’abandon.

Finie la période où des jeunes commerciaux, mécaniciens, agents de sécurité ou ingénieurs assurent leur service de vente, d'entretien et d'assistance technique à des clients qui affluent par centaines dans la journée. Pour les concessionnaires, cela relève du passé.

Les locaux, qui s’étendent sur des centaines de mètres carrés, ne sont occupés que par quelques employés affairés à entretenir de rares voitures en manque de révision. [the_ad id="7305"] Une crise aiguë plane sur le marché automobile qui peine à s'en remettre après l’arrêt total de l’activité qui n'est plus la même qu'il y a six ans...

« moins de trois ans » comme palliatif !

La voiture est devenue un produit de luxe, rare et cher pour les algériens. Le marché de l’occasion flambe, et des voitures qui affichent des dizaines de milliers de kilomètres au compteur sont cédées à plusieurs millions de dinars. [the_ad id="7305"] Une situation qui rend le véhicule inaccessible pour le plus grand nombre d’Algériens.

Pour tenter de casser les prix, les autorités ont autorisé, depuis la loi de Finances 2020, l’importation des véhicules d’occasion de « moins de trois ans », qui était interdite depuis 2005.

Mais là encore, les textes d’application n’ont jamais suivi. Seuls les anciens combattants de la guerre de libération, qui bénéficient d’abattements tarifaires, ont pu importer individuellement des véhicules, dont certains sont revendus au prix fort sur le marché.

Un secteur qui attend une vraie industrie 

Dans le but de booster le secteur de l'automobile, le gouvernement algérien avait misé sur la création d'« une industrie automobile » dans le pays. Beaucoup d'industriels étaient autorisés à installer des usines d’assemblage.

Ainsi, depuis 2016, des usines de montage ont vu le jour partout en Algérie. Profitant d’un abattement fiscal accordé par l’État sur les pièces de rechange destinées au montage, les patrons de ces entreprises ont eu le vent en poupe. En un peu plus de deux ans, des centaines de milliers de véhicules ont été assemblées.

C'est le fruit d'une volonté d’aller vers l’industrie de montage en « attendant de créer une vraie industrie automobile » à plus long terme. C'était l'aveu de l’ancien ministre de l’Industrie, Youcef Yousfi, lors de son procès, le 20 décembre dernier. [the_ad id="7305"] Sur cette période, le coût des pièces de rechange importées était de 4,3 milliards de dollars par an en moyenne, selon les informations révélées par l’ancien ministre de l’Industrie.

L'importation pas à l'ordre du jour !

Pour « préserver les réserves de change », dès son arrivée au pouvoir en décembre 2019, Abdelmadjid Tebboune a mis un coup d’arrêt à cet élan industriel et stoppé l’importation de voitures. Résultats : depuis 2019, l’Algérie n’a importé que quelques milliers de véhicules, un chiffre insignifiant comparé aux 450  000 de 2012.

Plusieurs textes de loi censés régir le secteur ont été élaboré par les gouvernements qui se sont succédé depuis début 2020. [the_ad id="7305"] A chaque fois, les opérations d’importations ont été gelées. Ainsi, après plusieurs mois de valse-hésitation, l’ancien ministre de l’Industrie, Ferhat Ait-Ali, reconnaissait en décembre 2020 que « l’importation n’était pas une priorité ».

Le nouveau ministre de l’Industrie, Ahmed Zeghdar, qui a pris ses fonctions en juin, a, pendant des mois, soigneusement évité d’évoquer le sujet, laissant les concessionnaires automobiles dans le flou le plus total.

Les concessionnaires au pied de mur

En constatant la pénurie que connaît actuellement le marché automobile algérien en matière de voitures neuves, le groupement des concessionnaires demande l’autorisation d’importation de véhicules pour renouveler le parc national.[the_ad id="7305"] Mais, à défaut de mettre sur pied une vraie industrie automobile, l’Algérie serre la vis aux concessionnaires.

Les concessionnaires décident alors de saisir Ibrahim Mourad, médiateur de la République. Dans leur demande, ils l'exhortent à intervenir rapidement auprès des commissions techniques pour répondre aux doléances des commerçants automobiles.

Ces professionnels de l'automobile souffrent des entraves administratives et bureaucratiques. [the_ad id="7305"] Ils plaident pour suivre les dossiers d’investissement bloqués et d’éliminer les obstacles rencontrés par les opérateurs économiques, conformément aux décisions du président de la République pendant les derniers conseils des ministres.

Des négociations interminables

L’ancien ministre de l’Industrie, Ferhat Ait-Ali, lorsqu'il était en poste, avait déjà annoncé que des négociations avec de grands constructeurs européens étaient en cours. [the_ad id="7305"] Il se trouve que des négociations seraient menées discrètement pour débloquer la situation. Selon un diplomate européen basé à Alger, sous couvert d’anonymat, « Les autorités algériennes ont accepté le retour des constructeurs européens ».

« Initialement, nous avons eu la promesse que cela se fasse au mois de mars [2022]. Mais le gouvernement algérien a demandé un délai supplémentaire. Cela prendra un mois de plus », a-t-il ajouté. Le diplomate assure par ailleurs que les autorités algériennes n’ont « formulé aucune exigence particulière » quant au retour des marques étrangères de véhicules.

« Pour les véhicules, le règlement du différend commercial devrait intervenir dans les premiers mois de l’année prochaine », a confirmé Thomas Eckert, ambassadeur de l’Union européenne en Algérie, dans un entretien accordé au quotidien Liberté.

Un cahier des charges qui tarde à venir

Mais apparemment, l’affaire d’importation de voitures en Algérie n’en finit pas de se faire attendre et le nouveau cahier des charges tarde à venir. [the_ad id="7305"] Un retard de plus d’une année. Depuis fin 2020, c’est à chaque fois le même scénario : un cahier des charges est annoncé avant d’être systématiquement abandonné en cours de route.

Le 5 décembre, le président Abdelmadjid Tebboune a en effet « ordonné » la « révision immédiate » du texte. Le chef de l’État a également demandé « l’accélération de l’annonce des concessionnaires agréés », insistant sur « l’impératif de fournir, au niveau régional et dans les grandes villes, un réseau de service après-vente en tant que condition pour accepter leurs dossiers ».

Aux dernières nouvelles, le nouveau cahier des charges concernant l’importation de voitures devait être rendu public avant la fin du mois de janvier. Ce délai déjà écoulé, rien n’est encore annoncé. Une situation qui stagne depuis plus d’une année.

... Et les conséquences se font vite sentir

En 2019, fermeture brutale de plusieurs usines. Conséquence d'une année marquée par le début des manifestations populaires et le départ du pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika, plusieurs constructeurs automobiles se trouvent contraints de baisser rideau.

Les dommages sont évalués à 1000 milliards de centimes. Sans compter les pertes de 30 000 postes en emplois directs et 150 000 en emplois indirects. [the_ad id="7305"] Selon le groupement des concessionnaires, les grands retards dans le traitement des dossiers ont causé de graves pertes financières aux concessionnaires.

À cela s’ajoute la rareté des pièces de rechange qui pourrait favoriser la contrefaçon. Sans compter les 3 années blanches sans voitures montées localement et 5 ans sans importations. Pour le citoyen lambda, se procurer une voiture relève des sept péchés capitaux !

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